Violences sexuelles sur mineurs : l’école doit jouer son rôle

Depuis l'adoption de la Loi sur la majorité sexuelle, le sujet est énormément relayé dans les médias. Cette thématique fait aussi l'objet d'un travail interministériel visant à mettre en place des procédures. Pour le Sgen-CFDT l'École doit jouer son rôle mais pas dans n'importe quelles conditions.

L’adoption en première lecture de la Proposition de Loi sur les violences sexuelles aux mineurs et inceste renforce la protection des jeunes et des enfants. Pourtant, certains aspects doivent en être clarifiés. Le sujet est délicat mais très important. La scolarité obligatoire fait de l’École un lieu essentiel pour le repérage des violences sur enfants, toutes classes sociales confondues. En effet, le service social du département en charge de la protection de l’enfance n’a accès qu’à une catégorie infime d’enfants.

C’est souvent suite aux Informations Préoccupantes effectuées par les établissements scolaires que les services du procureur peuvent se saisir de ces violences. En terme de repérage, l’École tient une place centrale et devrait donc avoir les moyens de remplir ce rôle.

Violences sexuelles sur mineurs : Des chiffres éloquents

Une enquête IPSOS réalisée par l’association Traumatologique et victimologie avec le soutien de l’UNICEF annonce que 130 000 jeunes filles et 35 000 jeunes garçons sont victimes chaque année de viols ou de tentatives de viols. La moyenne d’âge de ces violences sexuelles est de 10 ans. 94 % de ces actes sont commis dans le cercle familial ou par des proches.

La lutte contre les violences envers les enfants doit devenir une priorité nationale. L’école et ses personnels, qui sont quotidiennement au contact de ces jeunes, ont un rôle important à jouer.

De la difficulté de repérer les signes chez le jeune et l’enfant Violencess sexuelles sur mineurs, l'école doit pleinement jouer son rôle et avoir les moyens de le faire.

Si les personnels côtoient quotidiennement dans leurs classes les enfants victimes de violences, difficile de repérer immédiatement des signes a posteriori  d’autant que, si le jeune, l’enfant ne parle pas. En effet,  comme l’explique Muriel Salmona, psychiatre et psycho-traumatologue présidente de l’Association à l’origine de l’étude, cela peut entraîner chez lui, une amnésie traumatique. L’acte commis sera ainsi enfoui dans sa mémoire par l’enfant pendant des années. Un événement dans la vie du jeune devenu adulte, pourra raviver cette mémoire traumatique et avoir des conséquences importantes pour sa vie future.

Être prêt à accueillir la parole des victimes de violences sexuelles…

Il s’agit bien, au sein des écoles, des établissements scolaires que chacun soit prêt à éventuellement recevoir cette parole. Quel que soit son métier, le professionnel doit être en capacité d’avoir les bons réflexes pour rassurer le jeune, l’enfant et le diriger vers les personnels formés et capables de le soutenir et l’accompagner. Si la parole ne se libère pas, Muriel Salmona parle de la nécessité de repérer certains signes comme un changement de comportement, une anxiété plus importante voire un mal-être. L’école, lieu protecteur normalement par excellence pour les jeunes, les enfants, doit en cela pouvoir être lieu d’alerte.

Une parole qui n’a pas à être jugée et qui doit faire l’objet d’une prise en charge par des personnels formés.

Si un enfant vient de lui-même parler d’une situation de viol, il se dirigera vers la personne qui lui inspire confiance (un enseignant, un AED, un CPE…). Tout l’enjeu ensuite est de pouvoir orienter l’enfant ou le jeune vers la personne idoine. Il faut en effet pouvoir différencier l’enfant qui parle, de celui qui ne parle pas et qui sera repéré par un comportement reconnu comme suspect de violence sexuelle.

Souvent, le corps enseignant repère assez vite le mal-être des enfants. Mais ensuite à chacun son travail, le repérage d’une part, le traitement qui est l’affaire d’autres professionnels ensuite. Si la formation de l’enseignant est importante pour le repérage et l’écoute, elle doit avant tout lui permettre de passer le relais. Il ne doit pas prendre en charge des situations lourdes et des procédures encore plus lourdes. Ceci est l’affaire de professionnels.

Recevoir la parole sur ces violences mais aussi savoir agir

Faire de l’école ce lieu de repérage nécessite surtout la formation des enseignants à la prise en charge de telles situations. En effet, la présence du service social ou médical au sein de tous les établissements scolaires de la maternelle jusqu’au lycée n’est pas continuelle.  Ainsi, par exemple, les assistantes sociales de l’Éducation nationale n’interviennent quasiment plus que dans les collèges alors que les violences sexuelles interviennent sans discrimination d’âge.

Pour les équipes enseignantes, le partenariat avec les personnels sociaux (assistant.e du travail social) et de santé (médecin et infirmier), particulièrement formés, est une aide essentielle à la conduite à tenir pour effectuer le signalement de la situation au procureur. Ces personnels aident aussi à trouver la juste attitude à tenir vis à vis de l’enfant une fois les révélations faites. Ils/elles peuvent également soutenir les personnels face à des révélations qui peuvent les heurter. Un enseignant ne peut improviser en la matière et il faut laisser aux professionnels formés et habilités le soin de le faire.

Accompagner les personnels dans la démarche

L’Information Préoccupante peut provenir de tout témoin de violences. L’IP est à ce titre rédigée par celui qui accueille le témoignage. C’est ainsi posé par la loi, mais il ne faudrait pas que l’État se cache derrière cette loi pour ne pas mettre les moyens adaptés en place. Si les personnels ne doivent plus se poser la question de l’information préoccupante transmise, il convient que l’Institution les accompagne. Outre la formation indispensable, l’accompagnement doit se faire à plusieurs étages.

Une démarche en trois étapes :

Tout d’abord, comme cela est nécessaire vis-à-vis de mineurs, il convient de rencontrer les responsables légaux de l’enfant pour les informer de la procédure mise en place. Difficile pour beaucoup quand on sait que le possible responsable légal peut être l’auteur des faits. En cela, les personnels doivent pouvoir être accompagnés par des spécialistes de ce type d’entretien et y être préparés. Si on ne peut être accompagné par un personnel formé (Assistante sociale, Infirmière scolaire ou médecin scolaire) une nécessité, être plusieurs pour éviter d’être dans une relation duelle. Dans certaines situations, on peut, en effet, imaginer une certaine violence verbale qu’il convient de savoir juguler.

Ensuite, ce professionnel de l’Éducation nationale doit pouvoir  être accompagné psychologiquement. Pas forcément facile pour lui, pour elle, d’assumer le fait que l’enfant soit placé en foyer par mesure de sécurité pour la santé de l’élève, du jeune.

Il convient sans doute enfin de faire un retour sur la procédure à l’établissement. En effet, aujourd’hui, trop souvent, une fois le travail fait par la personne idoine, les professionnels sont ignorés et on ne leur communique plus aucune information. Ceci est pourtant indispensable notamment dans le cas où l’enfant, le jeune est toujours au sein de l’établissement. Pour le Sgen-CFDT, il convient a minima de faire connaître à l’école, l’établissement, l’état de la saisine.

Une sensibilisation des jeunes est également nécessaire

La sensibilisation doit commencer dès le plus jeune âge. A ce titre, la nécessité d’appliquer la circulaire de 2003 prévoyant une intervention annuelle de la petite Section maternelle au CM2 sur la vie affective et sexuelle et 3 séances annuelles de la 6éme à la terminale est une urgence si on veut aider les jeunes à repérer, verbaliser, signaler tous les actes d’abus.  En maternelle, cela commence par le respect de son corps : « mon corps est mon corps ». Plus tard, apprendre à repérer les conduites d’autrui qui gênent, ou sont inappropriées, voire délictueuses sera ainsi plus facile pour le jeune.

Là encore, il faudra pour dire les choses en cas d’actes délictueux, avoir l’âge de les énoncer, et la sensibilisation pour reconnaître cet acte comme hors la loi. Il faut enfin avoir conscience, que l’enfant qui révèle, est amené souvent à détruire sa cellule familiale.

Un plan de sensibilisation des jeunes aux violences sexuelles

Outre les professionnels, il convient également que soit mis en place un vaste plan de sensibilisation des jeunes aux violences sexuelles et sexistes. Deux entrées qui sont pour le Sgen-CFDT nécessaires.

Une première doit se faire autour de la nécessité de « dire les choses » en cas d’actes. « je suis victime d’un acte, que dois-je faire ? » Parler, trouver un interlocuteur, des interlocuteurs, c’est permettre aux jeunes de libérer la parole et d’être pris en charge le plus rapidement possible pour être protégé, accompagné. Derrière cela, il faut faire comprendre au jeune, à l’enfant qu’il n’est pour rien dans ce qu’il s’est passé et qu’il est victime.

Seconde entrée, la nécessité de faire comprendre aux jeunes, aux enfants que ce type d’acte est puni par la Loi et assimilé à un crime. Poser ces éléments pendant la scolarité de l’élève de façon récurrente, c’est prévenir le possible passage à l’acte de certains jeunes qui un jour deviendront des adultes et auront sans doute à leur tour une famille, des enfants.

Repérage des Violences sexuelles : Un travail interministériel nécessaire

Comme l’a dit, Adrien Taquet, le Secrétaire d’état chargé de la protection de l’enfance, un travail va être mis en place avec le ministère de l’Éducation nationale sur cette question. Ce dernier a d’ailleurs mis en place un groupe de travail dont la première réunion s’est tenue le 23 février dernier.

Former et accompagner les personnels.

Pour le Sgen-CFDT, le traitement de telles problématiques ne doit en aucun cas se limiter  à la mise en place d’une énième procédure administrative. Il faut aller plus loin en formant et accompagnant les personnels. Il faut en cela d’ailleurs leur proposer des formations où l’Éducation nationale fera appel à des spécialistes de la question. En effet, faire face à de telles problématiques ne s’improvise pas. Faire de cette thématique une priorité nationale, soit, mais encore faut-il que l’État se donne les moyens de ses ambitions pour protéger les jeunes et enfants mais aussi les accompagner dans leur reconstruction.