Le 10 décembre, le Sgen-CFDT a été reçu en audience pour une présentation de la semaine olympique et paralympique 2021. Nous partons de ces échanges pour prolonger la réflexion sur l'ensemble des propositions, qui touchent, de près ou de loin l'EPS et l'école.
Le corps médical constate une inquiétante baisse des capacités physiques des jeunes générations
L’audience, pilotée par Marie Barsacq, Directrice Exécutive Impact et Héritage s’est faîte en présence du Professeur François Carré, Professeur en physiologie cardiovasculaire au CHU de Rennes.
Le docteur Carré alerte depuis longtemps sur les enjeux de santé des jeunes générations actuelles. Le constat d’une baisse des capacités physiques, d’une augmentation du surpoids et de la sédentarité semble avérée. Et selon lui, les conséquences à venir pourraient être importantes en terme de santé publique.
Des solutions semblent possibles, notamment par le biais de la pratique physique quotidienne. Ce médecin rappelle qu’en Suède, l’âge moyen de vie en bonne santé est de 71 ans, contre 68 en France. Il y a pour lui une urgence à agir auprès des enfants et des familles.
La nécessité de plus d’activité physique pour les plus jeunes à nouveau reconnue
Damien Combredet, membre du comité directeur, explique comment son équipe s’engage à rechercher des solutions afin de faire pratiquer 60 minutes par jour d’activité physique aux enfants. Passer par l’école, leur semble le plus pertinent.
C’est dans ce cadre qu’ils ont accompagné l’expérimentation des 30minutes d’activité physique par jour, notamment dans l’académie de Poitiers et de Créteil. L’intention à venir est de faire connaître ces ressources, et cette démarche à l’ensemble des professeur·es des écoles, notamment lors de la « semaine olympique ».
Face à cette actualité, le Sgen-CFDT se pose certaines questions…
Faut-il attendre l’organisation des JO 2024 pour se préoccuper de la santé des jeunes ?
Il y a selon le corps médical une crise sanitaire de long court relative à la santé des jeunes générations… Fallait-il alors attendre que des JO soient organisés à Paris pour réellement prendre en compte cet enjeu ? Un médecin travaillant depuis des années sur les conséquences de cette tendance à l’inactivité des jeunes ne peut-il trouver écho à ses alertes que dans une commission chargée d’organiser une semaine Olympique et paralympique ? Cela après avoir été semble-t-il écarté des échanges avec l’Éducation nationale…
Une nouvelle fois, nous avons l’impression qu’il y a une fuite sous les fondations de la maison, et que l’on saisi l’occasion d’un changement de déco dans une pièce pour espérer que l’état de la tapisserie permettra de donner l’alerte sur l’ampleur des dégâts, et créer le levier d’action qui manque…
Faut-il parier sur l’impact d’un nouveau dispositif, de 30′ d’activité physique par jour, quand l’EPS a déjà du mal à exister dans les écoles ?
On fait le constat d’un manque d’activité physique quotidienne pour les jeunes, que l’école reste un des lieux privilégiés pour toucher le maximum de jeunes, gratuitement… qu’il existe une discipline qui s’appelle l’EPS en charge, en autre de mobiliser les jeunes dans une activité physique, avec des personnels formés.
On constate parallèlement que l’EPS et l’USEP ont encore du mal à exister à l’école primaire notamment, parce qu’elles ne sont pas considérées parmi les « fondamentales ». Les temps de formation qui y sont consacrés, le nombre de rendez-vous de carrière sur ces temps en témoignent… alors que la pression sur professeur·es des écoles est forte lorsqu’il s’agit d’autres acquisitions en particuliers les mathématiques et le français.
On sait aussi que l’EPS au lycée représente une part très peu importante dans la semaine des adolescent·es.
Face à ces constats, on invente de nouveaux dispositifs sensés palier au manque d’activité physique… alors que le corps lui même n’est déjà que très peu considéré à l’école (place des activités manuelles, des jeux, aménagement des espaces de travail, de détente etc…). Les personnes engagées dans ce comité directeur sont conscientes de ces enjeux et de ce besoin de complémentarité… C’est déjà un point d’appui, même si…
« Une nouvelle fois, on donne l’impression que l’on préfère inventer des façons d’écoper le bateau plutôt que de s’atteler à renforcer la coque ».
Des enjeux sociétaux et sanitaires qui devraient questionner l’ensemble de l’Institution
Le Sgen-CFDT, syndicat général, partage ces inquiétudes et ces constats sur l’activité physique des jeunes. Il a pu par ailleurs contribuer à une réflexion plus globale engagée, dans cette période de crise, par une commission d’enquête pilotée par Marie-Georges Buffet.
Cette inquiétude relève d’un positionnement sociétal global qui certes, peut et doit mobiliser l’école du 21ème siècle. Il faudrait s’interroger globalement sur la place du corps, nos modes de vie, nos modes de relation… en particulier au sein même de l’institution scolaire.
Le Sgen-CFDT, trouverait intéressant et nécessaire que ces échanges soient directement initiés par notre ministère de tutelle, sans attendre le prétexte des JO 2024, et de passer par une commission aussi compétente et motivée soit-elle.
Des enjeux, et des temps, qui peuvent concerner l’EPS, mais ne doivent pas se substituer aux temps et enjeux d’apprentissage de cette discipline scolaire.
Comme nous l’avons déjà signalé, l’EPS ne répond pas simplement à des enjeux sanitaires, pas plus que cet enseignement ne se résume à des enjeux sportifs ou olympiques.
On peut par exemple illustrer toutes ces confusions en regardant les fiches repères pour ces « 30 minutes d’activités physiques ». Certaines font référence à une séance de dubble dutch, ou de jonglage… Sans préjuger de l’intérêt de ces pratiques, bien au contraire, ni des réflexions qui ont abouti à ces propositions, il est nécessaire de reconnaître que les apprentissages engagés dans ces activités sont particulièrement complexes. Ils nécessitent une formation pour les enseignant·es, des temps de pratiques longs, des adaptations, des pistes de différentiation etc. Cela ne s’improvise pas.
Par ailleurs, si nous reconnaissons les Jeux Olympiques comme objet culturel global, ils peuvent, à ce titre, être étudiés à l’école, et ce de façon interdisciplinaire. Et si ce thème peut concerner l’EPS, il ne doit pas s’y substituer. Les rapporteurs du groupe semblent réfléchir dans ce sens, et c’est tant mieux.
Nous avons donc là plusieurs formes de pratiques, plusieurs objets d’apprentissages, plusieurs temps de pratiques, plusieurs intervenants… qu’il convient de distinguer pour éviter de tout diluer.
Il semble nécessaire de bien identifier les enjeux de chaque problématique et les espaces, scolaires ou non, où elles doivent se développer.
Si ce besoin d’activité physique pour les jeunes, d’ouverture culturelle, motrice, relationnelle, autour d’objets d’apprentissage bien identifiés, est partagé au sein de l’École, si les énergies et la volonté d’agir sont là, ne pourrait-on alors arrêter de se disperser dans de multiples directions et actions ?
Des actions, qui, à force de vouloir être complémentaires, pourraient finir par s’opposer. Commençons peut-être par proposer, du premier degré à l’université, de repenser et réaffirmer la place de l’EPS, l’UNSS, l’USEP (temps, formation, accompagnement etc.). Réaffirmer la nécessité de prendre en compte le corps et l’enfant dans sa globalité et l’importance de la rencontre.
Il ne s’agit pas de ne pas saisir les leviers d’action proposés à ce jour, ou de rester campés dans un immobilisme de notre discipline, mais au contraire d’agir collectivement sur chacun des sujets de fond, et de ne pas se laisser embarquer dans des effets de communication à court terme.
Ce qui est important mérite du temps.