Nous avons répondu aux questions de la mission d’information sur l’adaptation de l’école aux enjeux climatiques de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation le 5 octobre 2023 à l'Assemblée nationale.
Notre avis compte-t-il ?
Les organisations syndicales n’ont été auditionnées que le 5 octobre alors que les auditions de la mission ont commencé en mars. Le créneau prévu pour cette audition, 1h pour 6 organisations syndicales était notoirement insuffisant, même si, heureusement, nous avons des approches convergentes sur certains sujets. Nous soulignons la nécessité de joindre la biodiversité et l’épuisement des ressources naturelles à la question des enjeux climatique. Nous mettons aussi l’accent sur la nécessité de tenir compte de l’avis des personnels.
La responsabilité de l’État n’est pas à la hauteur des enjeux
La situation vécue dans les écoles, collèges et lycées est déjà insupportable dans certains cas. Comment apprendre lorsque la température dépasse 30 degrés en classe ?
Il n’existe pas de seuil de température pour nos activités et les atteintes à la santé découlant de ces situations ne peuvent être prises en charge par une médecine du travail quasi inexistante.
Comment prendre soin des élèves et personnels vulnérables ? Comment réagir en cas de canicule ou d’événement climatique extrême ? Les consignes viennent souvent trop tardivement alors que ces épisodes étaient annoncés (comme à la rentrée 2023).
Il faut passer d’une logique de gestion (souvent tardive) des crises à une logique de prévention.
Nous demandons la définition de protocoles à appliquer en cas d’événement climatique extrême. Ces protocoles pourraient comporter par exemple des recommandations telles que :
– une mise en sécurité des personnels et des élèves fragiles,
– des propositions d’activités alternatives aux apprentissages, y compris en accédant à des espaces plus protecteurs,
– la mise à disposition de matériels (ventilateurs…), de fontaines à eau fraîche,
– des aménagements d’horaires des écoles, collèges et lycées (activités scolaires le matin par exemple),
– un accueil limité aux enfants qui ne peuvent pas rester au domicile lorsqu’il n’y a pas d’autre solution.
Nous demandons qu’un diagnostic précis de chaque lieu d’enseignement scolaire soit réalisé.
Les directeurs/trices et chef·fe d’établissement ne doivent pas être laissé·es seul·es face à ces enjeux. Ces diagnostics doivent prendre en compte la question écologique en plus des autres contraintes du bâti (pédagogiques, inclusives, de sécurité…).
Un dialogue social de qualité doit être mis en place pour faire face aux enjeux climatiques
La réglementation actuelle est très en retard sur ce qui se passe dans le secteur privé. La durabilité ne peut être abordée qu’au travers de la négociation d’accords collectifs (Article L222-3 du code général de la fonction publique) alors que chaque décision prise devrait pouvoir être analysée, expertisée, discutée en tenant compte des enjeux écologiques. Et cela que ce soit au niveau des Comités sociaux, du Conseil supérieur de l’éducation, des conseils d’administration de nos collèges et lycées ou des conseils d’école.
Un dialogue social de qualité exige des personnels mieux formés.
La formation initiale et la formation continue accordent une place bien trop restreinte à la transformation écologique. Les formations sont trop souvent optionnelles, à distance, hors du temps de travail.
Il exige aussi la construction d’un consensus face à la profondeur des changements structurels à mettre en place. La surdité des pouvoirs publics au moment de la réforme des retraites ne va pas dans le sens de cette confiance.
Trop de décisions sont prises sans tenir compte des personnels.
Il en va ainsi trop souvent dans les projets de rénovation ou de construction mais également lorsqu’on met en place des dispositifs, des programmes d’apprentissage, sans prendre en compte l’expertise des personnels.
Des décisions souvent peu suivies d’effet
De nombreuses décisions sont prises, dont peu atteignent leurs objectifs.
Il y a donc une contradiction intrinsèque entre le volontarisme affiché et le désintérêt pour cette transformation et ce qu’elle exige.
En matière d’éducation au développement durable, expression que nous interrogeons, beaucoup est annoncé. L’éducation au développement durable, dont relèvent les enjeux climatiques, a fait l’objet en mars 2023 d’une proposition du Conseil supérieur des programmes : « Renforcement des apprentissages liés au développement durable depuis l’école jusqu’au lycée ». Cette proposition évoque l’enjeu crucial de la mise en œuvre de l’EDD à travers deux modalités complémentaires, les enseignements disciplinaires et les activités et projets éducatifs.
Nous constatons trop souvent que la mise en œuvre des textes en la matière repose sur l’engagement individuel de collègues, souvent en sus de leurs obligations de service, et qui sont bien peu reconnu⋅es dans les projets qu’ils mettent en œuvre.
La généralisation des éco-délégué⋅es (Loi climat et résilience) et la mise en place d’une composante environnementale à la rentrée 2022 pour les Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (Article L421-8 du code de l’éducation) présentent les mêmes limites.
Les réglementations sont trop souvent respectées pour la forme faute de moyens en temps, principalement, pour les mettre en œuvre.
Un bilan peu flatteur qui incite à des changements en profondeur
Ce qui l’emporte réellement c’est la souffrance, la mise en danger de nos collègues et des élèves face au manque d’adaptation, la mise en œuvre limitée des décisions pourtant pertinentes sur le plan éducatif, le retard dans la prise en compte de bien des thématiques au premier chef le bâti scolaire, mais également les déplacements ou la restauration collective.
Cette audition avait lieu lors de la journée mondiale des enseignantes et des enseignants.
Alors que le manque d’attractivité déstabilise nos professions, il est temps de faire de l’école un lieu de travail qui est attaché à la santé, aux conditions de travail de ses agent·es, un lieu de travail porteur de sens, pour ses personnels comme pour les élèves qui nous sont confié·es.