Ne jamais céder aux amalgames

Les discours d'amalgame que caractérisent des attitudes de rejet qui s'alimentent de la peur et de la colère face à des actes extrêmes, illégitimes et iniques en recherchant des boucs émissaires, sont aussi un danger pour la démocratie.

amalgames« Ne jamais céder aux amalgames» est l’éditorial du no 277 – Automne-hiver de Profession Éducation, le magazine du Sgen-CFDT.

L’HORREUR DE L’ASSASSINAT DE SAMUEL PATY, le 16 octobre 2020, restera gravée dans nos mémoires. Le terrorisme djihadiste frappait de nouveau notre pays. Avant et depuis, hélas, en France et dans le monde, d’autres attentats ont eu lieu. Nous ne nous y habituons pas, et nous ne voulons pas céder à la terreur.

Samuel Paty a été assassiné par un terroriste parce qu’il enseignait la liberté d’expression, la liberté de pensée. Le cœur des missions de l’École républicaine était visé : l’accès au savoir, aux connaissances scientifiques, à une approche laïque des faits et de la vie qui nous rend libres de nos choix.

Cet évènement tragique, le rôle joué par quelques parents d’élèves et élèves, par une meute sur les réseaux sociaux ayant désigné une cible, tout cela nous déstabilise fortement. Prendre la mesure de la gravité de cet attentat, de l’existence d’un terrain qui le rend possible n’autorise à céder ni à l’émotion, ni aux amalgames douteux et racistes. Pour faire reculer le fanatisme religieux, pour faire adhérer aux valeurs de la République, l’École est incontournable, mais ne peut réussir seule, et surtout pas si les inégalités s’accroissent, que la pauvreté se développe, que les discriminations persistent.

Prendre la mesure de la gravité de cet attentat, de l’existence d’un terrain qui le rend possible n’autorise à céder ni à l’émotion, ni aux amalgames douteux et racistes. Pour faire reculer le fanatisme religieux, pour faire adhérer aux valeurs de la République, l’École est incontournable, mais ne peut réussir seule…

L’assassinat de Samuel Paty a amené quasi toute notre société à réaffirmer son attachement à la liberté d’expression et à la liberté de la presse, deux libertés consubstantielles de la démocratie. Et pourtant, moins d’un mois après, nous nous mobilisons contre les remises en cause de la liberté des scientifiques, contre des dispositions de la loi sécurité globale qui installeraient une insécurité globale, pour reprendre l’expression de la fédération F3C.

La protection des forces de l’ordre, qui assurent notre sécurité, est nécessaire. L’élargissement et le renforcement de la protection fonctionnelle mise en œuvre sous l’impulsion de la ministre de la Fonction publique vont permettre de protéger les agents publics contre le harcèlement en ligne et la diffusion de messages d’appel à la haine et d’informations personnelles. Mais l’article 24 qui entrave la liberté de la presse sous prétexte de protéger les forces de l’ordre est dangereux pour la démocratie. Il est dangereux pour les policiers, gendarmes et CRS, car il nourrit le discours d’amalgame entre l’action légitime et proportionnée de la police et les bavures et dérapages violents qui doivent être sanctionnés.

L’exigence démocratique est forte, et la démocratie, fragile, à construire et renouveler constamment pour la consolider. Nous devons toutes et tous y prendre part.

CATHERINE NAVE-BEKHTI
secrétaire générale du Sgen-CFDT

1er décembre 2020

Catherine Nave-Bekhti © Isabelle Lacaton / Sgen-CFDT