LPPR : si l’effort financier est réel, il n’est pas encore suffisant pour mettre fin au décrochage de la recherche française et revaloriser de façon satisfaisante les carrières scientifiques. Pour la CFDT, il faut aller plus loin et abandonner certains dispositifs rejetés par la majorité des agents.
Loi de programmation pour la recherche : les enjeux
Favoriser les innovations de demain
Le Sgen-CFDT réclamait depuis longtemps une loi de programmation pour la recherche pour permettre de donner une véritable visibilité budgétaire pluriannuelle aux laboratoires, et favoriser ainsi l’engagement de recherches sur le moyen et long terme. Les seules qui puissent fonder véritablement les innovations de demain.
Répondre aux grands défis
Pour la CFDT, cette loi doit aussi être l’occasion d’investir dans la recherche pour répondre aux grands défis auxquels notre pays doit faire face : environnementaux, climatiques, numériques, économiques, et bien sûr de santé.
Redonner à la recherche et aux chercheurs la place qui est la leur
Enfin, cela doit être l’occasion de redonner à la recherche et aux chercheurs la place qui est la leur, pour ramener la raison dans des débats où hélas trop souvent les croyances et la superstition ont remplacé les connaissances scientifiques. La crise pandémique que nous traversons, rend plus vrai que jamais ce besoin.
Associer les trois piliers de la recherche publique française
Lors de la concertation sur le projet de loi, les discussions ont sur la recherche dans les universités et autres EPSCP comme dans les EPST et les EPIC.
La CFDT a salué cette approche car c’est en reliant ces trois piliers de la recherche française que l’on pourra véritablement rendre effectives des stratégies nationales. Nous regrettons cependant que le projet de loi traduise si peu les discussions concernant les EPIC.
L’avis de la CFDT sur le projet soumis au parlement
3 % du PIB pour la recherche : une ambition renouvelée mais encore repoussée…
Pour la CFDT, l’un des premiers points de vigilance concerne le montant de l’enveloppe globale et la durée de la programmation. L’objectif des 3 % du PIB (dont 1 % pour la recherche publique) est certes affiché. Mais cet objectif réaffirmé par la stratégie de Lisbonne en mars 2000 (horizon 2010) est à nouveau repoussé à la décennie d’après 2030 !
Certains pays ont pourtant déjà atteint ou dépassé ces 3% : c’est le cas de l’Allemagne (3%), du Japon (3,2%) ou de la Corée du Sud (4,5%). Ces mêmes pays visent désormais des objectifs supérieurs (respectivement 3,5%, 4% et 5%).
Pour la CFDT les « ambitions » affichées par la France via cette LPPR sont insuffisantes pour répondre aux enjeux des transitions indispensables à réaliser.
Lien Formation/Recherche : aucune prise en compte
Bien qu’il s’agisse d’une loi de programmation pour la recherche, la CFDT regrette qu’il ne soit pas fait mention du lien Formation/Recherche. Le décrochage de l’enseignement supérieur (sous-encadrement chronique, démographie étudiante, conséquences de la crise sanitaire en matière d’accueil et de pédagogie, etc.) obérera inévitablement la capacité de recherche.
Programmation : le projet ne tire pas les leçons de la crise sanitaire
La CFDT demande donc que l’enveloppe globale et les montants annuels, en particulier ceux des trois premières années, soient revus à la hausse. Il est incompréhensible que la LPPR enjambe la crise sanitaire sans en tenir compte. C’est incompréhensible pour les agents de l’ESR mais aussi par rapport aux besoins et aux enjeux que la crise sanitaire a révélés.
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Il faut se donner les moyens de mieux répondre aux grands enjeux
Nous n’étions pas prêts car de nombreux projets de recherche sur les coronavirus et plus largement sur les questions de santé publique ont été sous-financés voire stoppés faute de financement. Une illustration de l’état de la recherche en France dans de nombreux laboratoires depuis de nombreuses années pour les équipes pourtant excellentes aussi, qui n’ont pas la chance d’être dans les heureux élus des appels à projet (AAP). Ce constat fait un large consensus.
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Il faut prendre en compte les conséquences financières de la crise sanitaire pour les établissements
La crise sanitaire a un coût dont une grande partie est assumée par les établissements.
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- Des projets ont dû être stoppés voire abandonnés pour réorienter les recherches sur la crise sanitaire et participer à l’effort de toute la nation dans la lutte contre la COVID 19.
- Du matériel a été fourni aux personnels pour permettre le travail à distance, et dans le cas des universités, aider les étudiants (aide alimentaire, matériel, financement de connexions…).
Ainsi pour le CEA, pour prendre le cas d’un organisme de recherche, la crise génère une perte de recettes estimée à 120 millions d’euros.
Programme 172 : le principal bénéficiaire de l’effort budgétaire
Le programme 172 est le principal bénéficiaire de l’effort budgétaire du fait, principalement, des financements attribués à l’ANR (Agence nationale de la recherche) donc via les appels à projet.
Ce n’était pas une demande de la communauté scientifique qui n’est pas opposée par principe aux appels à projet mais souhaite un véritable rééquilibrage entre dotations de base et financements sur projets.
La recherche n’a pas à payer les manques, les dysfonctionnements d’une décentralisation inaboutie qui prive l’état d’outils de contrôle légitimes sur la mise en œuvre des politiques publiques.
Or pour la CFDT, l’utilisation massive et presque exclusive des appels à projet (AAP) pour le financement de la recherche vient en substitution d’une réelle réflexion sur le rôle de stratège de l’État. Cela se fait au détriment de la Recherche publique, entre autres, en lui imposant un modèle de financement inadapté, qui a pour conséquence absurde de mobiliser sur une recherche de financement des chercheurs dont les compétences pourraient être bien mieux utilisées dans leur cœur de métier. Ce financement révèle surtout une défiance de l’État vis à vis des établissements publics de recherche et de leurs agents. C’est cette question qui doit aussi être traitée.
Programme 150 : la programmation ne concerne que les incidences budgétaires qui découlent de la LPPR
Hormis la 1ère année, l’effort budgétaire consenti sur le programme 150 servira principalement à financer les nouvelles mesures RH prévues par la loi. Cela concerne donc essentiellement :
- Les revalorisations indemnitaires du personnel,
- La revalorisation du début de carrière pour les MCF nouvellement recrutés,
- La revalorisation et l’accroissement du nombre des contrats doctoraux,
- L’environnement des chaires de professeurs juniors, etc.
Revalorisation indemnitaire : 92 M€ supplémentaires chaque année
Le montant de la revalorisation pour les personnels sera de 92M€ supplémentaires chaque année pendant toute la durée de la programmation.
Cette revalorisation ne concernera que l’indemnitaire dans une perspective de convergence entre les différents types de personnels autour de 3 composantes : prime de base, prime de mission, prime individuelle. Il n’est pas prévu de revalorisation de l’indiciaire puisqu’il est considéré que les grilles ont été réalignées dans le cadre de PPCR.
Pour la CFDT, il faut aller plus loin
- revoir les grilles indiciaires pour les réaligner réellement
- revoir le montant de l’indemnitaire et sa répartition avec une part plus importante consacrée au socle…
Nous espérons que les discussions en cours dans le cadre du protocole d’accord portant sur la revalorisation des carrières scientifiques vont permettre d’obtenir des améliorations sensibles.
Pour résumer, si l’effort financier est bien là, il n’est pas encore suffisant pour mettre fin au décrochage de la recherche française et revaloriser de façon satisfaisante les carrières scientifiques.
Des dispositifs rejetés par la majorité des agents
Au-delà de l’aspect financier, certains dispositifs sont rejetés par la majorité des agents : c’est le cas en particulier des chaires de professeurs juniors.
Les chaires de professeurs juniors
Ce dispositif est ressenti comme une véritable concurrence déloyale par les maîtres de conférences : dans un contexte de contrainte forte sur le nombre de postes, certains bénéficieraient de charges d’enseignement moins importantes, laissant aux autres le soin de s’occuper d’une population étudiante en augmentation rapide.
Il introduit surtout aussi un nouveau statut, multipliant ainsi le système de gestion les modes d’entrée dans la carrière d’agents qui pourtant, exercent le même métier. Cela va encore un peu plus complexifier un système dont il est dit qu’il est déjà fort complexe en France (l’agrégation du supérieur est une spécificité française par exemple).
Ce dispositif crée de la méfiance, de la tension, de la concurrence…
Pour la CFDT, ce dispositif risque aussi de créer des tensions très fortes dans des collectifs de travail déjà fortement soumis à la compétition, à la concurrence … et cela dans un contexte de dégradation constante des conditions de travail de tous les agents.
Là où il aurait fallu redonner de la confiance, desserrer les contraintes, faciliter la coopération… ce dispositif crée de la méfiance, de la tension, de la concurrence… La CFDT a proposé que ce dispositif soit remplacé par une augmentation du nombre des IUF juniors. Elle n’a hélas pas été entendue.
Les CDI de mission
La question des CDI de mission est également un sujet de trouble : la CFDT a proposé à plusieurs reprises que la question des emplois liés aux financements sur projet soit réglée par la création de groupements d’employeurs qui permettraient de pérenniser les emplois et de conserver les compétences, tout en donnant de la marge d’action aux établissements. Cela permettrait aussi d’éviter un turn over coûteux en temps de recrutement, de formation et psychologiquement très insécurisant pour les agents. Le dispositif tel que présenté par le projet de loi, ne répond pas aux besoins de la recherche qui nécessite un temps long, une stabilité des emplois.
Pour la CFDT, la recherche n’est pas une dépense mais un investissement…
En conclusion, si la CFDT reconnaît qu’un premier pas financier est fait, elle le trouve encore bien trop hésitant. Pour la CFDT, la recherche n’est pas une dépense mais un investissement pour faire face aux conséquences de la crise actuelle et des crises à venir, et préparer un nouveau projet de société où l’humain est au cœur des politiques publiques. C’est pour cela que la CFDT, toute la CFDT, s’est investie dans les débats et les discussions sur la loi .
Un investissement pour faire face aux conséquences de la crise actuelle et des crises à venir, et préparer un nouveau projet de société où l’humain est au cœur des politiques publiques.
La CFDT, première organisation dans l’ESR tous les personnels et tous les types d’établissements confondus, a porté au CNESER des amendements pour faire évoluer le projet de loi. Un nombre important d’entre eux ont été retenus par la ministre. Mais le texte qui est présenté par le gouvernement aux parlementaires ne répond toujours pas aux attentes de la communauté scientifique.
La CFDT compte sur les débats parlementaires pour que des demandes fortes portées par l’ensemble de la communauté scientifique soient prises en compte.