Lettre ouverte à Mme la Rectrice de Grenoble

La conférence des personnels de direction de fin d'année ayant été annulée, le Sgen CFDT n'a pas souhaité que cette année extrêmement éprouvante s'achève sans faire entendre sa voix, notre voix.

Lettre ouverte à Madame la Rectrice de l’académie de Grenoble

Progressivement s’installe une coupure entre les convictions et valeurs qui animent les cadres et la manière dont évolue l’Ecole. Les personnels de direction sont en première ligne, ils sont les plus exposés. Ils font face à des usagers individualistes, procéduriers, irrespectueux, parfois violents. Ils sont confrontés à des comportements d’enseignants qui deviennent de plus en plus irrationnels mais qui traduisent un profond mal-être.
Ces personnels font, défont, refont et refont encore au gré des revirements ministériels, de plus en plus dans l’urgence et dans un conflit de loyauté entre leurs valeurs et leur hiérarchie. Cette maltraitance n’est pas tenable. Pour preuves de ces conditions de travail dégradées : le nombre de dépressions, burn-out et leurs corollaires d’intérims et de faisant-fonction, … mais aussi maintenant la crise du recrutement des personnels de direction, cela n’étant que la partie émergée de l’iceberg.

DNB et BAC, et réforme du lycée

Report du DNB, mesures provisoires de notation : par deux fois le Ministre privilégie la communication par voie de presse avant d’informer les principaux intéressés, au sein même de son ministère.
Quelle image donne-t-on du Service public d’éducation quand les chefs d’établissement interpellés par les usagers s’affichent ignares, voire incompétents ? Quelle image donnent-ils d’eux-mêmes?
Pour ce qui concerne le BAC, cela a également provoqué confusion et désarroi professionnel parmi les enseignants chargés d’exécuter des consignes transmises très tardivement et parfois de manière incomplète.
Dans certains centres, le caractère transitoire des notes de livret remplaçant les notes des copies manquantes n’a pas toujours été explicité. Dans d’autres, des notes ont été saisies sans explication (parfois par des personnels administratifs ou de direction pour pallier le refus des jurys) ou encore  les ordres et contre-ordres se sont succédés.
Les équipes éducatives, administratives et de direction sortent profondément divisées et épuisées par les tensions nées de ces épisodes.
Si les épreuves ont pu se dérouler, ce n’est certainement pas à mettre au crédit du Ministre mais à celui des équipes éducatives, au prix de tensions parfois vives dans les lycées et d’un surcroît de travail des personnels de direction, des personnels administratifs, des personnels de vie scolaire et des enseignants non grévistes. Si les chefs de centre, les jurys et leurs président, les services académiques ont globalement accepté, pour les élèves, de sauver le Bac et par là même la face de l’institution, ils n’en approuvent pas pour autant la méthode choisie et n’en sont pas moins solidaires des différents mouvements de protestation.
Les vidéos de remerciements du Ministre du 5 juillet sont bien insuffisantes pour faire oublier que ce ministère n’a rien voulu entendre ni des propositions formulées depuis plus d’un an pour améliorer la réforme, ni du fort mécontentement exprimé par les grévistes.
Le Ministre, qui n’a eu de cesse de les mépriser en minimisant devant les médias leur mobilisation, aurait tort de miser sur un effet d’effacement provoqué par les vacances.

Il est fort probable que la rentrée se passe mal dans de nombreux lycées, soit à cause de la réforme elle-même, soit à cause du contrecoup de ce mois de juin si tendu et le SGEN sera aux côtés des protestataires.

Dans de nombreux établissements une heure syndicale a déjà été programmée par les enseignants pour le 30/08.

Quatre points fondamentaux doivent au plus vite faire l’objet d’un véritable dialogue social, et
non comme maintenant d’un dialogue de sourd rédhibitoire :
– Le calendrier impossible en classe de Terminale
– Les Dotations Globales (notamment le financement des options),
– La place des maths dans le tronc commun
– Les contreparties des E3C (financières et en temps de concertation/correction) pour les
personnels concernés.

Il ne suffit pas de brandir le slogan de l’école de la confiance ! Il est urgent que le Ministre la réinstaure avec l’ensemble de la communauté éducative en installant les conditions d’une véritable co-construction des politiques éducatives.

PIAL

La circulaire de rentrée sur l’école inclusive en son vademecum sur le PIAL (Pole inclusif d’accompagnement localisé) nous dessine des changements en profondeur pour l’accompagnement des élèves porteurs de handicap.
On y apprend l’uniformisation des contrats d’AESH (CDD de 3 ans, renouvelables 1 fois, signés par le chef de l’EPLE, et le fonctionnement du PIAL. On peut s’en féliciter et l’on en espère un renforcement de formation pour les intéressés ainsi qu’une revalorisation financière sensible. Mais on peut aussi regretter la limite à 6 ans (deux fois trois), car la professionnalisation nécessaire à ces métiers – et sans doute plus nécessaire encore demain – exigerait que l’on puisse s’y engager durablement.
Aujourd’hui, les DSDEN sont débordées par la gestion d’un vivier toujours plus important de ces personnels et le rattachement à des EPLE parait une solution intéressante pour une gestion au plus près.
Suffit-il pour autant de charger la barque de l’établissement ?
– « Un PIAL Second Degré piloté par le chef d’établissement, qui désigne un coordonnateur » (mission définie page 8 du vademecum).
– Un « membre de l’équipe pédagogique qui bénéficie d’IMP en fonction du nombre d’AESH » .
– Des heures de concertation avec l’ensemble des enseignants (envisagées page 8 et page 12)
Les enseignants n’en peuvent plus des missions supplémentaires rémunérées en HS ou en IMP, les chefs d’établissements sont de plus en plus nombreux en burn-out et leurs secrétaires également (fait nouveau)… Ce système qui consiste à inventer sans cesse de nouvelles missions prises en charge par les professionnels présents sans ajuster les moyens humains en face n’est pas viable et nous conduit collectivement à la médiocrité.

Le PIAL est un sujet global qui concerne autant le premier que le second degré et qui doit maintenant être décliné en moyens humains et matériels à la hauteur des enjeux pour une société véritablement inclusive.

Michel FAURE
Correspondant académique des personnels de direction Sgen CFDT