Faire vivre le service public d’éducation au temps du Covid : encore des efforts Monsieur le ministre

Lors de sa conférence de presse du 12 novembre 2020, le gouvernement n’a annoncé aucune nouvelle mesure pour les écoles et les collèges. Pourtant les besoins et attentes sont fortes. Le Sgen-CFDT poursuit ses interventions pour faire bouger les lignes.

Depuis le début de l’épidémie de Covid19, et en s’adaptant à la fois au contexte sanitaire et aux connaissances sur le virus et sur la maladie, le Sgen-CFDT informe et accompagne les personnels, intervient autant que nécessaire auprès des autorités au niveau local comme au niveau ministériel.

S’il y a eu des évolutions positives répondant à certaines de nos propositions (aménagement de la doctrine d’accueil en lycée, port du masque pour les élèves dès 6 ans tout récemment par exemple), il reste encore beaucoup à faire pour améliorer et sécuriser les conditions d’exercice des personnels et d’étude des élèves. Nous poursuivons donc sans relâche nos interventions.

Ainsi, après une audience bilatérale à notre demande à l’occasion de laquelle nous avons rappelé nos propositions et revendications, nous avons adressé un courrier au ministre.


Faire vivre le service public d’éducation au temps du Covid : encore des efforts Monsieur le ministreParis, le 12 novembre 2020

 

 

Monsieur Jean-Michel BLANQUER

Ministre de l’Education nationale

110, rue de Grenelle

75357 Paris SP 07

 Monsieur le ministre,

Suite à l’audience en visioconférence que vous avez bien voulu nous accorder vendredi 6 novembre et comme convenu, nous revenons vers vous sur plusieurs sujets qui nous semblent importants. Il reste des situations objectivement problématiques et des inquiétudes légitimes qui amènent des collègues, des équipes à en venir à la grève à un moment ou à un autre depuis le 2 novembre. Il nous semble indispensable d’adresser sereinement et sur le fond ces problématiques et inquiétudes si l’on veut le meilleur fonctionnement du système éducatif, malgré la pandémie en cours, de la maternelle jusqu’à la terminale.

Dimension sanitaire

Suivi épidémiologique des personnels et des élèves : les données publiées chaque semaine par le ministère et les rectorats ne semblent pas toujours cohérentes avec les données épidémiologiques sur l’incidence du virus. Il nous semble qu’il convient de disposer de données plus robustes et que les autorités de santé rendent possibles puis publiques des études épidémiologiques actualisées sur la population scolaire.

Masques et conditions de travail : les personnels des établissements scolaires sont désormais des agents publics parmi les plus en contact avec la population dans les contextes les plus à risque en terme de circulation du virus. Ils passent de nombreuses heures chaque semaine avec des groupes d’élèves en lieu clos (pas toujours possible à ventiler de manière satisfaisante) sans la distanciation physique recommandée à l’ensemble de la population. Dans de nombreuses classes, le port du masque n’est pas optimal par tous les élèves ; en maternelle et en EPS, les enfants ne portent pas de masque. Pour toutes ces raisons, nous considérons que tous les agents exerçant dans les établissements scolaires doivent être équipés de masques chirurgicaux, voire de masques de type II ou FFP2 selon les contextes afin de mieux les protéger dans un contexte de plus grande exposition au virus du fait du taux d’incidence global et des conditions réelles d’exercice. Pour les AESH, il faudrait en plus des masques FFP2, des blouses et des gants. En maternelle, en cycle 1 et en langue vivante, la dotation en masques à lecture labiale doit être possible pour les collègues qui le souhaitent.

De même que de nombreux collègues s’équipent à leurs frais en masques chirurgicaux, certains se sont équipés d’amplificateurs de voix pour protéger leurs cordes vocales et améliorer leurs conditions de travail. Nous demandons un plan d’équipement et de défraiement des collègues.

Prioriser les récréations en extérieur : au regard des connaissances sur les modes de transmission du virus, il semble assez clair qu’il ne faut pas renoncer à des temps de récréation en extérieur. Nous demandons que le passage du protocole qui permet de les remplacer par des temps calmes en classe soit supprimé.

Chantiers prioritaires dans les établissements scolaires : de trop nombreuses équipes témoignent du fait que l’état de délabrement des fenêtres ne permet pas l’aération suffisante des salles de classe et de restauration scolaire. Nous demandons que l’État impulse et contribue à financer via le plan de relance les chantiers de rénovation nécessaire que les collectivités locales doivent organiser au plus vite. Cela pourrait faire partie des sujets à aborder localement dans le cadre des conférences sociales. La cellule bâti scolaire s’est-elle saisie de ce sujet ainsi que de celui de l’installation de systèmes d’aération dans les établissements scolaires ?

Pistes de solutions pour le temps de la restauration scolaire : ce temps reste le plus à risque de transmission du virus du fait de l’absence de port du masque et de la faible distanciation physique possible, dans la plupart des cas, à table. Si en lycée, le passage à 50 % du temps d’enseignement à distance desserre un peu la contrainte, il reste des points de tensions dans le premier degré et dans les collèges. Nous avons fait des propositions, qu’en retenez-vous ?

Dimension pédagogique

Besoin de concertation : les équipes et communautés éducatives ont besoin de temps de concertation dans la période , pour préparer et accompagner l’évolution de la doctrine d’accueil maintenant, et pour préparer tous les scenarii possibles afin à l’avenir de sortir de l’urgence et de la précipitation lorsque la dynamique épidémique impose des ajustements organisationnels et pédagogiques, enfin pour mieux concevoir et coordonner le renforcement de l’action éducative en vue d’une meilleure appropriation des valeurs de la République. Nous renouvelons notre demande d’instructions ministérielles permettant aux équipes d’organiser ces temps de concertation y compris si cela amène à suspendre l’enseignement quelques heures.

L’enseignement à distance, ce n’est pas que du numérique, et même dans ce cas, ce n’est pas uniquement Canope, Lumni, ou ma classe à la maison : les équipes doivent disposer d’autonomie réelle sur le plan pédagogique pour articuler enseignement en présentiel et travail à distance des élèves afin de s’adapter à l’âge des élèves , à leur autonomie au travail (et en vue de l’améliorer), aux conditions réelles d’étude à distance des élèves et afin que des enseignants n’ajoutent pas à leur service d’enseignement en présentiel l’enseignement à distance. Adapter les attendus à la situation à tous les niveaux d’enseignement : les absences des élèves et celles difficilement remplacées des enseignants vont perturber sans doute plus que d’habitude l’année scolaire y compris lorsque l’enseignement est effectué en présentiel en totalité. Il convient d’adapter les objectifs annuels à cette réalité afin de ne pas épuiser et culpabiliser tout le monde. Jusqu’à la fin du collège, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture doit être la référence plus que le programme annuel. En lycées, ce travail d’ajustement des objectifs pédagogiques doit être conduit et se traduire dans la conception des épreuves certificatives pour sécuriser tout le monde, quelles que soient les parties de programmes déjà traitées avec les élèves.

L’évaluation des élèves, comme objet professionnel collectif et ne relevant pas seulement de la docimologie, est un enjeu majeur qui prend du relief à la fois avec la mise en œuvre de la réforme du lycée et du bac, et avec les conséquences de la situation épidémique qui amènent à avoir recours au contrôle continu. Pour sortir des raisonnements à courte vue sur la sur- ou sous-notation des élèves, les équipes ont besoin de temps collectif, de formation en établissement, d’accompagnement par les corps d’inspection. C’est bien par la réflexion professionnelle et partagée sur le sens, les modalités et les objectifs de l’évaluation des acquis des élèves que nous sortirons de la confusion contrôle continu-perte de valeur des diplômes.

Organisation du travail

Alléger la charge de travail des directeurs et directrices : nous l’avions déjà signalé, la situation sanitaire accroît la charge de travail des directeurs et directrices, plus encore depuis qu’on leur demande de transmettre les certificats d’isolement aux familles. Il convient de suspendre un certain nombre de tâches qui leur sont confiées, surtout lorsqu’ils ou elles ne sont pas totalement déchargé.es d’enseignement.

Nos propositions : suspendre les APC pour celles et ceux qui le souhaitent, arrêt des enquêtes qui ne sont pas nécessaires pour le suivi de la situation sanitaire, verser l’ISS dès le 1er jour de remplacement pour celles et ceux qui assurent des intérims de direction, assurer l’effectivité des décharges de direction pour les petites écoles.

Adapter le service des PE : permettre aux écoles d’organiser le temps scolaire de manière à permettre aux professeur.e.s des écoles de trouver du repos et un moment pendant lequel il est possible d’ôter le masque en sécurité.

Réunions et formations à distance : nous demandons une instruction claire et générale suspendant les réunions et formations en présentiel, afin de les remplacer par des réunions et formations en visioconférence et à distance et de prioriser celles qui sont nécessaires au suivi de la situation sanitaire et de ses conséquences pédagogiques et organisationnelles.

Adapter la charge et l’organisation du travail des médecins scolaires : avec une granularité très différente selon les académies, les médecins souhaitent faire entendre que sur certains territoires ils sont débordés par la gestion du tracing, par l’obligation de permanence pour la gestion de la crise sanitaire pour des médecins de secteurs, sans plus de volontariat, de l’existence de burnout de plus en plus nombreux, de l’abandon de missions pourtant essentielles pour les élèves. Le dialogue social local avec les personnels de santé est une nécessité. La participation des personnels de santé à la supervision et/ou la réalisation de tests antigéniques pour les personnels de l’éducation nationale sur la base du volontariat doit être garantie.

Dynamique de recrutements : assurer les remplacements d’enseignant.e.s au fil de l’eau nécessite de poursuivre les recrutements, nous continuons de demander la réouverture du recours aux listes complémentaires.

Télétravail :  Les services académiques articulent ouverture au public, maintien d’une activité à 100 % et télétravail avec une grande diversité. Les disparités sont notamment liées à un niveau d’équipement matériel et logiciel différents, les académies n’ayant pas toute porté le même effort sur ce point. Mais même quand les conditions sont réunies pour le télétravail à 5 jours, il arrive trop souvent que des refus soient opposés aux agents : cela n’est pas normal. Nous attendons de la part du ministère une intervention auprès des académies qui ne permettent pas suffisamment aux agents de télétravailler plus. De même nous souhaitons que les académies s’engagent dès maintenant pour un objectif dans les mois qui viennent d’atteindre un taux d’équipement maximal. Cela demande des investissements et un renfort des DSI.

Là où il était possible dans les EPLE lors du premier confinement, le télétravail doit aussi être permis aux agents administratifs.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le ministre, l’expression de nos très respectueuses salutations.

Catherine Nave-Bekhti

Secrétaire générale du Sgen-CFDT