Évaluation des établissements scolaires, ne pas se précipiter pour garantir son utilité

Le Sgen-CFDT demande, étant donné le contexte de crise sanitaire que nous traversons de reporter le lancement de l'évaluation des établissements à la rentrée 2021. Cette mesure garantirait en effet les conditions de la réussite de la démarche.

En juillet 2020 le Conseil d’évaluation de l’École a produit un guide de l’évaluation des établissements scolaires présentant le cadre et des annexes adaptées à la structure scolaire observée (guide disponible en ressource à la fin de cet article).

Deux étapes structurent cette évaluation des établissements

Une partie d’autoévaluation conduite en interne de l’établissement scolaire, sous l’autorité des chef.fes d’établissement et qui mobilise l’ensemble de la communauté scolaire (enseignant·es, parents, élèves, partenaires).

4 domaines sont observés :

  • Apprentissages et parcours des élèves, enseignement,
  • Vie et bien-être de l’élève et climat scolaire,
  • L’établissement dans son environnement institutionnel et partenarial,
  • Acteurs, fonctionnement et stratégie de l’établissement.

Cette autoévaluation aboutit à la production d’un rapport qui se veut partagé et qui est présenté au Conseil d’administration. Il fait partie intégrante de l’évaluation et sera, de fait, présenté aux autorités académiques et à la collectivité de rattachement.

Pour le Sgen-CFDT ces moments d’auto-évaluation et d’échanges peuvent être des catalyseurs de prise de conscience et des activateurs du travail collectif.

Une partie évaluation externe, qui va elle, s’appuyer sur l’autoévaluation. Elle est conduite par les corps d’inspection et d’autres membres qui peuvent être des personnels de direction, des chargés de mission, des PVS n’ayant aucun lien d’évaluation avec les personnels de l’établissement. L’évaluation externe aboutit à la production d’un rapport à partir d’un diagnostic partagé identifiant les forces, les faiblesses et les potentiels. Elle doit se distinguer de l’audit, de l’inspection, du dialogue de gestion, du contrôle ou de la labellisation.

Elle s’appuie sur 4 principes :

  • Une évaluation utile à l’établissement,
  • Des analyses adaptées, des propositions sur mesure,
  • Une démarche participative pour une évaluation en toute confiance,
  • Des données fiables et partagées.

La restitution est faite sous forme de pré-rapport permettant une restitution à l’ensemble de la communauté scolaire puis d’un rapport transmis aux autorités académiques et aux collectivités de rattachement.

Pour le Sgen-CFDT, cette démarche de compilation de données et d’analyses peut permettre de dégager des pistes de travail tant sur le plan de la formation des personnels, de l’organisation pédagogique que de la vie de l’établissement et contribuer à la construction de son projet.

Néanmoins cette évaluation des établissements appelle à la vigilance et pose certains questionnements…

De nombreuses évaluations existent déjà et répondent à des finalités certes différentes mais qui participent du fonctionnement et des réussites de l’établissement. Ces évaluations questionnent tant dans leurs modalités que dans leurs finalités.

Les compte-rendu d’entretien dans le cadre du PPCR qui doivent pouvoir éclairer sur des fonctionnements : salles spécialisées, vie scolaire, CDI…. Quelle connaissance partagée des remarques d’environnement et de fonctionnement pour la communauté scolaire et les évaluateurs ?

Le lettre de mission du chef d’établissement qui est établie à partir d’un diagnostic à sa prise de poste suivant des indicateurs précis qui figurent dans les données APAE et qui oriente son pilotage. Quelle connaissance partagée des objectifs de cette lettre de mission?  

Le contrat d’objectif qui en découle et qui est réalisé avec la communauté mais très rarement la collectivité et sert le dialogue stratégique établi entre l’établissement et la direction académique. Là encore, quelle connaissance de ces dialogues stratégiques qui expliquent fortement les axes de travail donnés et les moyens mis à disposition ?

Le projet d’établissement souvent construit en lien avec les orientations nationales et académiques qui peuvent devenir obsolètes lors de changements d’orientation, de ministre ou de recteur. Quelle continuité dans l’action et donc quelle capacité à apprécier le travail mené auprès des élèves ? 

L’ évaluation du projet de réseau en éducation prioritaire qui appelle d’autres logiques et surtout se veut être  une réponse au public accueilli et une justification des moyens attribués (heures d’enseignement, IMP, temps de formation….). Le lien avec le projet d’établissement est-il toujours bien établi et lisible par toutes et tous ?

Comment donc s’appuyer sur les nombreuses évaluations qui existent déjà mais qui sont souvent inconnues des acteurs dans leurs conclusions et ne seront pas nécessairement portées à la connaissance des évaluateurs externes ?

Devant cet empilement de procédures qui se font déjà rarement écho et ne montrent aucune déclinaison, l’évaluation externe de l’établissement peut apparaître comme un nouvel élément qui vient juger en méconnaissant déjà des analyses et surtout en étant en incapacité d’apporter des réponses concrètes et assurées en termes de formation, d’accompagnement ou de réorientation de moyens, de soutien et de suivi.

Une fois le rapport d’évaluation conduit, quelles suites ? 

Sans compter dans le contexte actuel, la charge de travail qu’une telle démarche induit pour être utile et le calendrier de la première vague…

Dans le contexte de crise sanitaire que connaît le pays depuis mars 2020, le lancement de ces évaluations n’est pas la bonne temporalité pour le Sgen-CFDT. Une nouvelle commande qui s’ajoute aux urgences.

Pourquoi maintenant et pourquoi aussi vite ?

Les équipes ont peu de temps pour s’approprier la méthode, à peine quelques semaines pour produire l’autoévaluation et trop peu d’éléments sur la finalité. 

Mi octobre 2020, de nombreux établissements ont été appelés pour débuter la phase d’auto-évaluation au retour des vacances de la Toussaint, avec une formation des chef.fes d’établissement la semaine de la reprise. La commande leur est faite de faire remonter le rapport de cette phase pour le 18/12/2020. 

En temps normal cet exercice aurait déjà été compliqué dans un délai aussi court (premiers CA, et conseils de classes du premier trimestre, semaine de l’orientation, …).

Le contexte sanitaire et le stress ambiant rendent l’exercice impossible à moins de le bâcler singulièrement.

Comment parvenir dans ce contexte à réunir les instances pour établir sereinement ce diagnostic partagé ? Comment le faire sérieusement sans gâcher une belle opportunité ? Cela semble objectivement impossible à moins de malmener les établissements concernés.

Ces derniers jours, le rappel est fait à tous les niveaux de prendre soin de soi et des équipes, de ménager la charge mentale pour poursuivre au mieux une nouvelle année difficile.

Il semble donc urgent et sain de surseoir a minima cette première vague et de ne rien démarrer avant 2021.

Cette année pourrait être mise à profit pour former et informer les personnels de direction et les corps d’inspection quant aux modalités d’appréciation externe globale et aux indicateurs.

On connait la multitude des tâches dévolues aux personnels de direction et aux IA-IPR. Trop peu de temps leur sera laissé pour prendre connaissance de l’auto-évaluation ou de tout autre document de gestion. Le déplacement sur place, plus que nécessaire et sur un temps long sera contraint par leurs agendas respectifs, ce qui ne laissera place qu’à une à deux journées in situ maximum et de trop rares contacts avec les partenaires. Aussi, la recherche de consensus, notée comme primordiale, ne permettra que très rarement de faire bouger les lignes là où c’est essentiel. Enfin les préconisations pourront être vides de sens alors que les moyens relèvent d’autres autorités.

Tout cela fait apparaître une précipitation qui décrédibilise d’entrée ce travail d’évaluation pourtant essentiel et qui doit poser un regard à 360° sur l’établissement. 

Fatigue et amertume d’un travail mal fait voire inutile sont les risques les plus immédiats.

L’objectif devant rester l’amélioration concrète du pilotage et des dispositifs au service des élèves et des familles, pourquoi ne pas identifier des établissements avec un temps de présence suffisant des inspecteurs et des partenaires pour apprécier et seconder dans le travail d’analyse et d’élaboration de pistes d’actions concrètes?

Le Sgen-CFDT a demandé lors de sa rencontre de ce jour avec le ministre, le report de ce dispositif en 2021.